Santé animale Préserver l’efficacité des antiparasitaires
Le développement de résistances vis-à-vis des produits antiparasitaires implique de raisonner autrement. Les traitements ciblés permettent de concilier protection des animaux, développement de l’immunité et lutte contre la résistance.
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Utilisés depuis des décennies, les traitements antiparasitaires protègent les animaux, mais induisent des résistances. Les laboratoires n’ont pas produit de nouvelles molécules depuis longtemps. Pour préserver l’efficacité de celles qui existent, il faut les utiliser avec parcimonie. La recherche travaille sur ces thèmes et une étude vient d’être menée par Laurent Dravigney, vétérinaire dans le Cantal (voir ci-dessous). Elle a permis de quantifier le phénomène de résistance et d’affiner les préconisations pour un usage raisonné des antiparasitaires au pâturage.
« Une partie des parasites résiste naturellement aux traitements, explique le vétérinaire. L’application d’anthelminthiques les sélectionne au détriment de ceux qui sont sensibles. Avec le temps et la répétition des traitements, la proportion de parasites résistants augmente. » En effet, cette résistance se transmet de génération en génération. Les conséquences de cette évolution ne sont pas forcément perçues par l’éleveur au début. Il a donc tendance à garder sa stratégie de lutte si elle protège bien ses animaux en utilisant toujours la même molécule. Cette progression de la part de parasites résistants induit le risque de se retrouver à terme sans solution pour lutter contre les parasites.
Protéger la biodiversité
De plus, les traitements ont un impact négatif sur la faune et sur la biodiversité. L’ivermectine, par exemple, a un effet délétère sur les larves de coléoptères. Les produits à large spectre (comme ceux associant un antiparasitaire et un antipoux) sont néfastes pour les insectes. D’ailleurs, ils n’ont pas leur place quand les animaux sont dehors. Toute cette faune qui dégrade les bouses et vit dans le sol est extrêmement bénéfique pour les prairies. Elle structure le sol, nourrit les oiseaux ou les chauves-souris qui contribuent à disséminer les graines, etc. On a constaté aussi que dans les parcelles pâturées par des animaux traités, les graines ont un pouvoir de germination affaibli. À long terme, la perte de biodiversité et l’atteinte aux écosystèmes de la prairie affectent sa productivité et pénalisent l’éleveur.
Mais on ne peut pas non plus laisser les strongles gastro-intestinaux infester les animaux. Leur présence lèse la croissance des jeunes animaux et la production laitière ensuite. Elle peut déboucher sur des atteintes cliniques. Et les animaux infestés accentuent la contamination des prairies.
Favoriser le développement de l’immunité naturelle
Or on sait que les bovins développent une immunité naturelle au contact des parasites. Elle est acquise au bout de huit mois cumulés de contact effectif (TCE), c’est-à-dire en dehors des périodes de traitement et de sécheresse. Favoriser le développement de cette immunité permet à terme de réduire l’utilisation des antiparasitaires. Un traitement rémanent dès la première sortie au pâturage va certes protéger efficacement les animaux. Mais il va aussi reculer le moment où l’immunité sera acquise et ne fera donc que décaler la survenue des problèmes.
Les bovins qui sortent pour la première fois au pâturage doivent donc rencontrer les parasites. Pour limiter l’infestation, il vaut mieux qu’ils débutent la saison sur des parcelles peu contaminées et qu’ils tournent ensuite pour ne pas multiplier les cycles sur une même prairie. De cette façon, les parasites sensibles au traitement vont trouver un refuge. La gestion du pâturage permet ainsi de vivre avec les parasites.
Adopter les traitements sélectifs
Quand cela est possible, le copâturage, avec des brebis, par exemple, est intéressant, car les différentes espèces ingèrent les parasites, mais n’ont pas les mêmes sensibilités.
Un premier traitement peut être appliqué après quelques semaines au pâturage. Ensuite, on peut vermifuger régulièrement afin de contenir l’infestation, tout en laissant du temps pour que l’immunité s’installe. Ces traitements peuvent être réservés aux animaux les moins vigoureux. Ceci permet de laisser de la place aux parasites non sensibles, via les animaux les plus forts.
Ces traitements ciblés sélectifs représentent la meilleure façon de protéger les animaux tout en évitant les résistances. Ils ne peuvent pas se pratiquer avec tous les antiparasitaires. Les pour-on sont incompatibles avec cette stratégie. En effet, comme pour les antibiotiques, l’application d’un dosage adapté à l’animal est essentielle pour ne pas provoquer de résistance. Or les animaux se lèchent ce qui induit un risque élevé de sous-dosage. Des études ont montré qu’avec ce type d’application de 7 à 14 % seulement du traitement est absorbé par la peau, le reste l’est par ingestion.
Choisir un produit oral ou injectable
De plus, les traitements pour-on entraînent des pertes de matière active élevées par excrétion fécale, d’où une pollution néfaste pour la faune du sol. En traitement sélectif, il faut donc choisir un antiparasitaire oral ou injectable. Les bolus non rémanents, qui relarguent une certaine quantité de matière active toutes les trois semaines, ont un intérêt. Les animaux traités sont protégés et n’excrètent pas de parasites, ce qui réduit la charge de la prairie et l’exposition de l’ensemble du groupe. Ceux qui ne reçoivent pas de traitement continuent à excréter et donc à maintenir une exposition limitée, utile au développement de l’immunité de tous.
Pour conserver des antiparasitaires efficaces, beaucoup d’éleveurs ont donc intérêt à modifier leurs habitudes. Les vétérinaires peuvent les y aider afin de cibler les animaux à traiter et d’ajuster la dose de chacun. De plus, ils disposent d’outils pour savoir quand un animal parvient aux huit mois de contact nécessaire pour bénéficier d’une immunité protectrice.
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